L’année 2004 marque la création de Atlas Blue à l’initiative du gouvernement de l’époque, celui de Driss Jettou. A la manœuvre, il y avait Adil Douiri au Tourisme et Karim Ghellab au Transport qui passaient aux yeux de bien des observateurs pour des ministres compétents et intelligents. Pure illusion. Ce duo istiqlalien, qui a porté beaucoup de tort aux secteurs dont ils avaient la charge, a convaincu Driss Jettou de l’importance stratégique d’accompagner la fameuse Vision 2010 par la création d'une filiale locale low cost du transporteur aérien national. Mohamed Berrada, alors président de la RAM, dit amen sans se poser trop de questions. Grosse erreur.
« Il est impossible pour Atlas Blue de concurrencer des compagnies low cost géantes comme Ryanair ou Easyjet, qui possèdent des flottes de 300 avions et desservent le Maroc à partir du monde entier». Cette déclaration aux allures de confession, émanait du successeur de Mohamed Berrada : Driss Benhima. Nous sommes en 2009. Atlas Blue, cadeau empoisonné dont il a hérité, venait de mettre la clé sous le paillasson. Invité à commenter cette faillite, M. Benhima fait cet aveu lors d’une conférence à la Chambre Française de Commerce et d'Industrie (CFCIM).
Un crash annoncé car il est impossible, sauf à poursuivre d’autres objectifs inavoués, que Atlas Blue concurrence les géants aériens du low cost avec 6 appareils seulement ! Mais le lancement de Atlas Blue s’est fait principalement au détriment d’Agadir qui se fait d’emblée dépouiller de 8 avions. Ces appareils assuraient des vols directs avec plusieurs capitales et villes européennes comme Genève, Zurich, Londres, Milan et Rome dans le cadre de contrats avec des tours opérateurs. Du jour au lendemain, Agadir perd ses marchés traditionnels qui la faisaient vivre sans même que ces voyagistes ne soient avisés.
Les conséquences en cascade sont terribles sur l’ensemble de la chaîne touristique : Hôteliers, restaurateurs transporteurs et autres prestataires de service. Faute de touristes, Agadir s’installe progressivement dans le déclin qui atteint son point d’orgue à partir de 2012.
Ville sinistrée
Les dégâts sont énormes. Une vingtaine d’hôtels classés, parmi les plus en vue de la ville, entre fermetures et redressement judiciaires, sont aujourd’hui à l’arrêt : L’ex-Sofitel Bay, le Palais des Roses, les Omayades, Igoudar, la Kasbah, le Transatlantique, Salam Hotel, le Royal Hotel… et last but not least le Club Med qui avait fait les beaux jours d’Agadir. A cette hécatombe s’ajoute une ribambelle d’unités de seconde ligne en mal de rénovation.
Résultat : Sur une capacité hôtelière d’environ 34.868 lits, à peine 12.557 sont opérationnels. Le taux de fréquentation de la destination en termes de nuitées et de durée de séjour s’en ressent terriblement.
Quelques rares hôtels, adossés à des chaînes connectées au marché, comme le Tikida et Atlas Hospitality, arrivent à tirer leur épingle du jeu dans un paysage hôtelier ravagé. N’ayant plus assez de touristes à transporter pour être rentables, les transporteurs touristiques sont plongés dans le désarroi. Qui a mis la clé sous le paillasson, qui s’est désengagé du secteur, qui s’est reconverti… Les restaurateurs mangent de la viande enragée et les guides sont déboussolés… Le All inclusive, adopté par des hôtels y compris du centre-ville en l’absence d’une réglementation claire, a agi comme un facteur fragilisant du tourisme gadiri qui a pâti aussi de la passivité de ses opérateurs et de leur incapacité ou refus de se projeter dans l’avenir. Le renaissance touristique d’Agadir ne se fera pas toute seule, par la seule beauté de son climat et la récurrence des vœux pieux. Les hôtels fermés ou en redressement judiciaire ont besoin de solutions concrètes au cas par cas pour reprendre leur activité. La relance de la destination sur de nouvelles bases en dépend. Touristiquement, Agadir est une ville sinistrée. La ministre du Tourisme Fatima-Zahra Ammor serait mieux inspirée de délocaliser son bureau sur place pour contribuer à l’émergence d’un plan de sauvetage des établissements en déshérence.
Agadir menacée par Taghazout ?
La destination qui a le vent en poupe et monte petit à petit en gamme c’est sans conteste la station balnéaire de Taghazout, dont le développement risque de se faire au détriment d’Agadir. Surtout en cas du maintien du statu quo ravageur qui frappe une bonne partie de l’offre en hébergement de la ville.
De plus en plus de professionnels expriment d’ailleurs leur crainte face à cette perspective à mesure que Taghazout Bay, réintégré dans le Plan Azur, accueille des enseignes hôtelières prestigieuses.
La nouvelle demande touristique nationale et internationale et la dynamique des investissements dans le secteur se glissent en effet progressivement vers ce nouveau Resort moderne, qui a jailli enfin de terre après plusieurs décennies de blocage et de ratages.
Les marques Hilton, Hyatt Regency, Tikida et Fairmont, déjà opérationnels depuis quelques années déjà, seront bientôt rejoints par le Marriott, Radisson et Eco resort dont l’ouverture est prévue en 2024.
S’étirant sur une superficie de 615 hectares en front d’une bande côtière de 4,5 km de plages au nord d’Agadir, Taghazout bay a été dimensionné pour l’implantation de 9 établissements hôteliers pour un investissement global de 11 milliards de DH.
Le modèle économique de Taghazout est différent tourné vers une clientèle haut de gamme désireuse de pratiquer certaines activités comme le golf, le tennis ou le surf dans un cadre écoresponsable. C’est ce concept de complexe bien intégré dans son environnement naturel, érigé en modèle de tourisme durable, que les promoteurs du resort, la Société d’Aménagement et de Promotion de la Station de Taghazout (SAPST), met en avant. Créée en 2011, la société est le fruit d’un partenariat public-privé construit autour d’une kyrielle d’institutionnels marocains publics et privés (Madaëf, Ithmar Al Mawarid, Sud Partners, Akwa Group et Smit).
Source:le canardlibéré.com par Jamil Manar