PNUD / Temps incertains, vies bouleversées Façonner notre avenir dans un monde en mutation


Rédigé le Dimanche 18 Septembre 2022 à 12:08 | Lu 150 fois | 0 commentaire(s)

Nous vivons des temps incertains. La pandémie de COVID-19, aujourd’hui dans sa troisième année, continue de donner naissance à de nouveaux variants. La guerre en Ukraine a des répercussions partout dans le monde, causant d’immenses souffrances humaines, y compris une crise du coût de la vie. Chaque jour, de nouvelles catastrophes climatiques et écologiques menacent la planète. Il serait dangereusement tentant de considérer ces crises comme des évènements ponctuels et d’espérer simplement un retour à la normale.


Nous vivons des temps incertains. La pandémie de COVID-19, aujourd’hui dans sa troisième année, continue de donner naissance à de nouveaux variants. La guerre en Ukraine a des répercussions partout dans le monde, causant d’immenses souffrances humaines, y compris une crise du coût de la vie. Chaque jour, de nouvelles catastrophes climatiques et écologiques menacent la planète. Il serait dangereusement tentant de considérer ces crises comme des évènements ponctuels et d’espérer simplement un retour à la normale.
 
  Mais éteindre le dernier incendie ou se débarrasser du dernier démagogue est un combat sans fin si nous ne prenons pas acte du fait que le monde est radicalement en train de changer. Il n’y a pas de retour en arrière possible. Les couches d’incertitude s’accumulent et interagissent pour bouleverser nos vies de façon inédite. Certes, l’humanité a déjà connu les maladies, les guerres et les dérèglements climatiques. Mais la convergence de pressions planétaires déstabilisantes, d’inégalités croissantes, de transformations sociales radicales visant à alléger ces pressions et d’une polarisation généralisée génère des sources d’incertitude nouvelles, complexes et interactives pour la planète et ses habitants.
 
   Une nouvelle normalité s’esquisse et le Rapport sur le développement humain 2021/2022 « Temps incertains, vies bouleversées : façonner notre avenir dans un monde en mutation » vise justement à la comprendre et à y répondre. Il s’agit du troisième et dernier volet d’une trilogie de rapports regroupant le Rapport 2019 sur les inégalités et le Rapport 2020 sur les risques liés à l’Anthropocène – cet âge où les humains sont devenus une force majeure à l’origine de changements planétaires dangereux. Il y a trente-deux ans, le tout premier Rapport sur le développement humain affirmait non sans audace que « les individus [étaient] la véritable richesse d’une nation ».
 
    Depuis, ce puissant précepte a toujours guidé le PNUD et éclairé ses Rapports sur le développement humain, et ses messages et sa portée ont pris une dimension de plus en plus forte au fil des ans. Partout dans le monde, les personnes nous confient qu’elles se sentent de moins en moins en sécurité. Le Rapport spécial du PNUD sur la sécurité humaine publié au début de cette année révèle que six personnes sur sept dans le monde se sentaient en insécurité dans de nombreuses dimensions de la vie avant même la pandémie de COVID-19. 

Comment s’étonner alors que de nombreux pays craquent sous la pression de la polarisation, de l’extrémisme politique et de la démagogie – des phénomènes exacerbés par les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle et autres technologies puissantes ? Ou que, dans un incroyable revirement, le recul de la démocratie au sein des pays soit devenu la norme plutôt que l’exception, ce en dix ans seulement ? Ou encore que, pour la toute première fois, la valeur de l’indice mondial de développement humain ait baissé pendant deux années consécutives dans le sillage de la pandémie de COVID-19 ? Les individus sont la véritable richesse des nations et cela transparaît dans les relations que nous entretenons avec nos gouvernements, notre environnement naturel et nos pairs. Chaque nouvelle crise nous rappelle que lorsque nos capacités, nos choix et nos espoirs sont anéantis, le bien-être des nations et de la planète en pâtit.

Maintenant, imaginons l’inverse : à quoi ressembleraient nos nations et notre planète si nous étendions plus avant le développement humain, notamment la capacité d’agir et les libertés individuelles ? Notre créativité serait alors complètement libérée et nous pourrions réinventer notre avenir, renouveler et adapter nos institutions, réécrire l’histoire en redéfinissant qui nous sommes et quelles sont nos valeurs. À l’heure où notre monde est en pleine mutation, en proie à des changements imprévisibles, ce ne serait pas seulement une « bonne » évolution, mais une évolution « indispensable ».
 
   La pandémie de COVID-19 nous a laissé entrevoir un autre possible. Une batterie de nouveaux vaccins, dont certains reposent sur une technologie révolutionnaire, ont permis de sauver près de 20 millions de vies en une année. Quand on y pense, c’est un exploit extraordinaire, à marquer d’une pierre blanche dans les annales de l’humanité. Tout aussi extraordinaire est le nombre de vies inutilement perdues, notamment dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, à cause d'une très forte inégalité d’accès aux vaccins. La pandémie a été un douloureux rappel de la manière dont la perte de confiance et le manque de coopération – entre les nations et au sein de celles-ci – limitent bêtement ce que nous pouvons accomplir ensemble.

 Dans l’histoire d’incertitude que nous vivons actuellement, le héros et le méchant ne font qu’un, c’est le choix humain. Il est trop facile d’inciter les personnes à chercher le bon côté des choses ou à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, car tous les choix ne se valent pas. Certains choix – sans doute les plus déterminants pour l’avenir de notre espèce – sont motivés par une inertie institutionnelle et culturelle qui court depuis plusieurs générations. Le Rapport de cette année nous invite à remettre sérieusement en cause les représentations figées et exagérément simplistes de la prise de décision humaine.
 
  Les institutions ne tiennent pas compte du « désordre » humain – nos émotions, nos préjugés, notre sentiment d’appartenance – à nos propres dépens. Comme ses prédécesseurs, le Rapport remet également en question la notion classique de « progrès », qui donne lieu à des compromis voués à l’échec. Les gains réalisés dans certains domaines, comme la durée de scolarisation ou l’espérance de vie, ne compensent pas les pertes subies dans d’autres, comme le sentiment de contrôle sur notre propre vie.

  Nous ne pouvons pas non plus profiter des richesses matérielles au détriment de la santé de la planète. Ce Rapport positionne clairement le développement humain non seulement comme un objectif, mais aussi comme un moyen d’avancer en ces temps incertains. Il nous rappelle que nous, les humains, forts de toute notre complexité, notre diversité, notre créativité, sommes la véritable richesse des nations.
 
 
 Par  Achim Steiner : Administrateur Programme des Nations Unies pour le Développement
 
 From RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 2021/2022