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Plusieurs pays se sont lancés dans l’instauration du passeport vaccinal pour faciliter leur reprise touristique et assurer une saison estivale normal comme avant la pandémie du coronavirus. Mais la mise en place de ce système porteur de grands espoirs pour les Etats ne bénéficie pas d’un soutien unanime.
Alors que la France est devenue le premier pays européen à adopter ce certificat électronique qui recense les certificats de test PCR négatifs au coronavirus et attestations de vaccinations contre ce même virus, la question de la généralisation de ce système reste toutefois sujette à la contestation de plusieurs parties dont des Etats.
Malgré le soutien de la Commission européenne qui s’est lancée dans cette opération afin de faciliter la reprise du tourisme européen et mondial, au niveau de l’Organisation mondiale de la Santé, ce passeport vaccinal ou passeport vert ne plait pas.
Et pour cause, le comité d’urgence de l’OMS sur le Covid a estimé que ce système renforce les inégalités, surtout que la distribution des vaccins et les campagnes de vaccination dans le monde ne sont pas au même niveau d’avancement.
C’est donc en partant du principe que ce passeport vaccinal va bénéficier particulièrement aux pays riches et va à l’encontre du principe de liberté de circulation que les experts du comité d’urgence de l’OMS ont exprimé un avis défavorable à l’instauration d’un pareil système.
Ces derniers avancent d’autres arguments, notamment le manque de preuves concernant la performance des vaccins sur la réduction de la transmission du virus. Ils recommandant en ce sens de « ne pas exiger de preuve de vaccination comme condition d’entrée » pour les voyageurs internationaux
« Les Etats parties sont vivement encouragés à reconnaître que l’exigence d’une preuve de vaccination peut aggraver les inégalités et favoriser une liberté de circulation différenciée », ont déclaré les experts dans un communiqué suite à leur septième réunion, en avril.
Malgré cet avis négatif de l’OMS, plusieurs Etats ont ignoré cet appel et ont continué leur projet qui, dans certains cas, devrait être généralisé à d’autres services notamment l’accès aux terrasses de café, aux restaurants, aux parcs, et clubs de sport.
Les voix ayant rejeté l’instauration de ce passeport vert, estiment que les vaccins n’ont pas encore apporté de preuves de leur efficacité ni d’information sur les risques et possibles effets secondaires ou séquelles à long terme. Elle évoquent également les cas des personnes qui ne peuvent pas recevoir de vaccin à cause de leur état de santé et se verront discriminées.
Des doutes renforcés par la rapidité avec laquelle ces sérums ont été fabriqués et aux récents cas de formation de caillot sanguins pour certains de ces vaccins comme celui de l’AstraZeneca, et celui de Johnson & Johnson.
Par ailleurs, les campagnes de vaccinations ont été présentées comme non obligatoires pour de nombreux pays, mais le principe même d’un passeport vaccinal nuirait à cette liberté d’accepter ou de refuser de se faire vacciner puisqu’il deviendra discriminatoire pour accéder à des services de base.
« Le respect du principe de non-discrimination est d’autant plus fondamental que la vaccination n’est pas obligatoire et que l’accès au vaccin n’est pas encore généralisé », a déclaré en ce sens la ministre belge des Affaires étrangères, Sophie Wilmès, dont le pays est opposé à l’instauration de ce certificat pour le transport. D’autres pays comme l’Allemagne et les Pays-Bas sont également contre.
En France, pays leader dans mise en place du passeport sanitaire en Europe, à contrario, estime que ce système qui se décline sous 3 types de certificats (certificat de test négatif, certificat de rétablissement du Covid-19, attestation de vaccination) permettra de faciliter les déplacements intra-européens, au moment où certains pays ont limité de droit de circulation à cause de la résurgence de l’épidémie dans certain Etats membres.
Dans un communiqué, le gouvernement français avance que « la France s’inscrit pleinement dans cette démarche et lance +TousAntiCovid Carnet+ avec des certificats de test et de vaccination pouvant être vérifiés au niveau national, puis par les autres pays de l’Union européenne, et à terme hors des frontières de l’Union européenne ».
Le Parlement européen doit encore adopter ce projet lors de sa plénière du 7-10 juin, à l’issue de négociations avec les Etats membres au sujet du passeport vert numérique proposé par la Commission. Mais certains pays de l’Union européenne comme le Portugal, l’Italie, l’Espagne et la Grèce poussent pour qu’il soit adopté étant donné que l’économie repose essentiellement sur le tourisme.
En Espagne, la ministre de l’Industrie, du Commerce et du Tourisme, Reyes Maroto, a annoncé que ce certificat digital sera lancé à la mi-juin. Le pays doit présenter sa campagne de promotion du tourisme le 10 mai, date qui marquera également la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Avec l’instauration de ce document sanitaire, l’Espagne « pourrait cet été récupérer la moitié de la saison touristique », a ajouté Reyes Maroto qui table sur une campagne de promotion de la destination Espagne comme pays « sûr ».
En dehors de l’Europe, la Chine a été le premier pays à créer son passeport vaccinal, et les compagnies aériennes y travaillent également. Les Etats-Unis, ont préféré jeter la balle dans le camp du secteur privé, à savoir les compagnies aériennes, et a indiqué début avril qu’un passeport sanitaire de sera pas imposé.
Au Royaume-Uni, l’idée d’un passeport vaccinal a été rejetée au début mais a de nouveau été évoquée par le Premier ministre britannique Boris Johnson début avril. Une idée pour laquelle majorité des Britanniques sont favorables selon sondage réalisé par Ipsos MORI.
Selon les résultats de ce sondage, 8 personnes sur 10, soit 78% des personnes des personnes interrogées estiment nécessaire de présenter un certificat sanitaire pour pouvoir voyager à l’étranger ou se réunir avec des résidents des maisons de retraite ou des membres les plus âgés de la famille.
Alors que bon nombre de voyagistes préparent la saison estivale, le tour-opérateur TUI a pris la décision de lancer une partie de son offre pour l’hiver vers des destinations ensoleillées dont le Royaume du Maroc.
Cette décision a été prise afin de « donner de nouvelles perspectives » aux voyageurs qui se sont vus contraints d’annuler leurs vacances d’hiver l’année dernière, et aux détenteurs d’un bon à valoir Corona de 2020 qui préfèrent réserver plus tard dans la saison, explique le voyagiste.
Les voyageurs sont donc invités à faire des réservations pour un départ jusqu’au 10 janvier 2022 inclus. L’offre concerne la reprise des destinations les plus populaires, notamment le Cap-Vert, les îles Canaries et la Costa Blanca (Espagne), ainsi que Madère (Portugal).
Les destinations vers le Maroc ou les Caraïbes seront prises en compte début mai. En février dernier, la société de voyage et tourisme multinationale TUI avait annulé les voyages vers le Royaume du Maroc et d’autres destinations non-européennes jusqu’à la fin du mois d’avril en raison des restrictions sanitaires.
Source : https://lepetitjournalmarocain.com/
Sauvegarde et relance, indissociables !
• LES ENTRÉES AUX FRONTIÈRES ONT SUBI UNE CHUTE DE 80% AVEC 10 MILLIONS DE TOURISTES EN MOINS.• LES NUITÉES DANS LES ÉTABLISSEMENTS CLASSÉS ONT DIMINUÉ DE 72% AVEC 18 MILLIONS PAR RAPPORT À 2019.• LES RECETTES TOURISME DE LA BALANCE DES PAIEMENTS S’ÉLÈVENT À 36,4 MILLIARDS DE DH CONTRE 78,8 UNE ANNÉE AUPARAVANT, SOIT UNE BAISSE DE 54%.
• AU-DELÀ DES INDICATEURS CLASSIQUES, LES PERTES GÉNÉRÉES PAR CETTE CRISE DOIVENT ÊTRE ANALYSÉES DANS TOUTES LEURS DIMENSIONS, SOCIALES, INDUSTRIELLES ET FINANCIÈRES
Le secteur du tourisme continue de subir les impacts négatifs de la crise sanitaire. Dans cet entretien avec La Vie éco, Jalil Benabbés-Taarji, président de l’Association Nationale des Investisseurs Touristiques (ANIT), fait le point sur l’activité et préconise les mesures à mettre en œuvre pour une relance séquencée et une remise à niveau de l’organisation du secteur. Selon lui, une bonne gouvernance est le prérequis à la bonne exécution de toute stratégie nationale et régionale.
• Le secteur du tourisme est à l’arrêt depuis plus d’un an. Quel bilan dressez-vous en termes de pertes ?
C’est une question que nous posons nous-mêmes, tant nos appareils statistiques sont défaillants ou absents, au-delà des statistiques habituellement publiées par l’Observatoire du Tourisme. Ainsi, les entrées aux frontières ont subi une chute de 80% avec 10 millions de touristes en moins. Les nuitées dans les établissements classés ont diminué de 72% avec une perte de 18 millions rapportée à 2019. Les recettes tourisme de la balance des paiements s’élèvent à 36,4 milliards de DH contre 78,8 une année auparavant, soit une baisse de 54%.
Mais, et au-delà de ces indicateurs classiques, les pertes générées par cette crise doivent être analysées dans toutes leurs dimensions, sociales, industrielles et financières. Elles sont très lourdes. Malheureusement, les chiffres manquent pour évaluer précisément la situation, dans tous ses aspects. Il est à cet égard indispensable que l’Observatoire du tourisme et les autres appareils statistiques nationaux nous éclairent davantage et plus régulièrement, avec le soutien actif des relais que sont les différentes fédérations professionnelles.
A titre illustratif, les statistiques de l’emploi ne sont ni maîtrisées, ni fiables, ce qui a porté préjudice à l’image du secteur et desservi la prise de décision par les pouvoirs publics. 550 000 emplois «directs» annoncés publiquement à longueur d’années et sans variation depuis près de 20 ans, à rapporter aux 130 000 inscrits à la CNSS début 2020, et seulement 50 000 salariés déclarés in fine au régime de l’Indemnité forfaitaire (IF). La crise a servi de révélateur de ces manquements et il est urgent d’y remédier. En synthèse, un véritable tableau de bord du secteur manque cruellement, aujourd’hui plus que jamais.
• Quelle évaluation faites-vous des mesures gouvernementales prises en faveur du secteur durant cette crise sanitaire ?
Le gouvernement a fait un effort significatif pour soutenir l’emploi, à travers le mécanisme de «l’Indemnité forfaitaire» (IF), soutenir la trésorerie des entreprises, via la CCG et le GPBM (Crédits Oxygène et Relance), mais aussi pour limiter les pertes de fonds propres, à travers les avis 13 et 14 du Conseil National de la Comptabilité. Mais cela reste insuffisant eu égard à la profondeur, l’intensité et la durée exceptionnelles de cette crise. Parallèlement, le GPBM nous a consultés et travaille actuellement sur de nouveaux mécanismes, prometteurs.
• Que reste-t-il à faire aujourd’hui pour maintenir ce secteur jusqu’à sa reprise d’activité ?
Il est important, voire vital, de maintenir les mesures de sauvegarde des emplois et des entreprises, au moins trois mois après la levée de l’état d’urgence sanitaire et la réouverture «encadrée» des frontières internationales, plus particulièrement avec l’Europe. Que ces deux dates coïncident ou pas. C’est une proposition citoyenne et réfléchie. Sans cela, le pire est devant nous, car tous les maillons de la chaîne de valeur touristique (hôteliers, agents de voyages, transporteurs touristiques, restaurateurs, entreprises d’animation, …) ne pourront pas survivre à deux exercices consécutifs lourdement déficitaires.
• Une reprise est-elle possible à court terme ?
Oui, une reprise est possible et dès cet été inclus, lorsqu’une grande partie de la population européenne sera vaccinée. D’autant que les dernières études publiées nous apprennent que les personnes vaccinées ne transmettent pas le virus. Mais cette reprise doit être planifiée et orchestrée sans tarder, avec une stratégie claire et partagée par tous. Dans cette perspective, nous invitons le gouvernement à libérer le trafic inter-régional à l’horizon de l’Aïd El Fitr ou dès son lendemain, et à rouvrir le trafic aérien international graduellement, aux populations vaccinées et aux porteurs de test PCR négatifs, en priorité. En l’annonçant clairement, publiquement, et bien à l’avance. Les opérateurs internationaux le requièrent avec insistance, car il faut un minimum de 90 jours pour relancer le marketing et les ventes sur une destination, tous canaux confondus. C’est ce que fait par exemple le Royaume-Uni avec un rétroplanning sur 2 mois.
Si nous voulons relancer le secteur dès cet été, et nous le voulons, il nous faut donc anticiper, à l’image de toutes les destinations touristiques du pourtour méditerranéen qui se préparent activement. A défaut, nous perdrons nos parts de marché, et ce pour plusieurs années. Le coût en serait insupportable.
• Quelles leçons tirez-vous de cette période de crise pour les investissements à venir ?
Parler d’investissement, donc d’avenir, nécessite au préalable de sauver le tissu industriel et le capital, industriel et financier, autant qu’immatériel, accumulé depuis 20 ans et plus. D’où notre insistance pour prolonger à court terme les mesures de soutien, au moins trois mois après la levée de l’état d’urgence sanitaire et de la relance non contrainte du trafic aérien. Un constat unanime. Le choc subi par nos entreprises touristiques n’a pas d’équivalent dans un autre secteur. Au Maroc comme ailleurs. Il menace des pans entiers de notre industrie. Avant de parler d’avenir, il faut donc d’abord la sauver. Le taux d’investissement des 10/15 prochaines années sera fonction de la force et de la pertinence de la réponse gouvernementale.
Ensuite, cette crise induira, à n’en pas douter, de profonds bouleversements dans l’industrie du voyage, tant au niveau du comportement de nos clients que de celui des investisseurs. La concurrence internationale sera exacerbée. Les clients plus exigeants. Or, dès avant cette pandémie, notre industrie touristique présentait des faiblesses structurelles, que la bonne conjoncture des années 2017-2019 a masqué. Quand cette pandémie sera surmontée, il nous faudra nous pencher sérieusement sur la compétitivité de notre offre et analyser sans complaisance nos faiblesses pour engager les actions structurantes et les investissements, qui nous permettront de nous projeter avec confiance vers l’avenir. Et cela ne pourra se faire sans un partenariat public-privé réinventé et intelligent. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui…
• La bonne gouvernance est-elle un tabou ?
La question était taboue il y a quelques années. Elle ne l’est plus aujourd’hui, mais c’est devenu un concept fourre-tout, que chacun définit à sa façon. La bonne gouvernance est un chantier global qui intègre le territorial, l’organisation du secteur privé, la relation entre le centre et les régions et le partenariat public-privé, dont on ne parle plus. Comme cela vient d’être rappelé par le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), dans son dernier avis sur le tourisme, une bonne gouvernance est, dans tous ces aspects, le prérequis à la bonne exécution de toute stratégie nationale et régionale.
Davantage encore pour un secteur aussi transversal que le tourisme, qui nécessite de la bonne intelligence entre les décideurs publics et privés, chacun leader éclairé dans sa partie. Notre souci est que ce chantier est négligé, comme l’est également celui de la formation professionnelle : quand l’activité est bonne, personne ne trouve le temps de s’en préoccuper ; en cas de crise, il y a toujours plus urgent ! Une erreur stratégique dans les deux cas. Pandémie et gouvernance défaillante sont la double peine que subit le tourisme national.
• Comment remettre de l’ordre dans l’organisation du secteur ?
En trois temps. En premier lieu, en invitant le département du tourisme à interagir davantage avec les fédérations professionnelles (FNIH, FNAAVM, etc.), dont il assure légalement la tutelle, pour s’assurer de leurs bons fonctionnements statutaires et du respect des principes de base qui doivent régir une association ou une fédération professionnelle, sans pour autant jamais s’immiscer dans leurs activités sociales. Idem pour la CGEM vis-à-vis de la CNT.
Ensuite, pour être crédible et audible vis-à-vis des pouvoirs publics, une instance professionnelle doit être représentative. La plupart de nos associations professionnelles ne disposent pas aujourd’hui de bases d’adhérents suffisamment larges et de la rigueur suffisante dans leurs vies sociales. Cette question recouvre aussi celle des financements dont disposent ces associations pour exercer avec efficacité et pertinence leurs missions, tant vis-à-vis des pouvoirs publics que de leurs adhérents, ainsi que leur dimension patronale qui n’a toujours pas trouvé de réponse adéquate.
Enfin, le pilotage stratégique et opérationnel du secteur, particulièrement complexe s’agissant du tourisme avec ses deux dimensions horizontale (interministériel) et verticale (national & régional), exige de repenser la relation entre les représentants du secteur privé et les pouvoirs publics, au premier rang desquels le ministère du tourisme. L’enjeu est clairement de réinventer un partenariat stratégique entre toutes les entités concernées, basé sur la concertation et la coresponsabilité.
Le moment venu, toutes ces questions devront être traitées, honnêtement et franchement, sans tabou, ni arrières pensées, si l’on veut remettre de l’ordre dans l’organisation du secteur. A cet égard, le ministère du tourisme doit être une force d’impulsion pour ce chantier stratégique, qui conditionne l’avenir de notre secteur.
Parcours
Diplômé de HEC Paris, Jalil Benabbés-Taarji est un militant engagé du monde des affaires, particulièrement du tourisme. Il est administrateur et DG d’un groupe touristique marocain leader en hôtellerie : Le GROUPE TIKIDA. Président fondateur de la CGEM Marrakech-Safi, il a également présidé la Fédération nationale du tourisme de la CGEM entre 2003 et 2007. Aujourd’hui, il préside l’ANIT (Association nationale des investisseurs touristiques), membre de la CGEM et de la Confédération nationale du tourisme.
Source : https://www.lavieeco.com/ Par Malika Alami